Etat du monde, crise actuelle. Recession ou croissance?

Alors qu’au Sénégal, son extraction est en vue , le pétrole est toujours l’objet d’enjeux majeurs à travers le monde.
L'économie mondiale présente un étonnant paradoxe : alors que le prix du baril de pétrole a augmenté de 30 à 75 dollars depuis le début de 2004, le niveau de la croissance reste exceptionnellement élevé, et l'inflation modérée. Cette résistance de l'activité contraste avec les précédents chocs pétroliers de 1973, 1979 et 1991, qui se sont traduits par des récessions. Rien ne serait cependant plus faux que d'en conclure que l'économie mondiale est immunisée contre la hausse des prix de l'énergie et des matières premières.
L'économie mondiale présente un étonnant paradoxe : alors que le prix du baril de pétrole a augmenté de 30 à 75 dollars depuis le début de 2004, le niveau de la croissance reste exceptionnellement élevé, et l'inflation modérée. Cette résistance de l'activité contraste avec les précédents chocs pétroliers de 1973, 1979 et 1991, qui se sont traduits par des récessions. Rien ne serait cependant plus faux que d'en conclure que l'économie mondiale est immunisée contre la hausse des prix de l'énergie et des matières premières.
L'augmentation du prix du pétrole n'est pas conjoncturelle mais bien structurelle, combinant un choc de demande et un choc d'offre. La pression de la demande (+ 25 % en dix ans) a déclenché le cycle haussier, porté par l'hyperdéveloppement de la Chine, de l'Inde, des économies émergentes, par le dynamisme des Etats-Unis et la récente sortie de déflation du Japon. Trois sources de tension sur l'offre ont parallèlement cheminé. La première, industrielle, tient à l'insuffisance des capacités de raffinage. La deuxième, géopolitique, découle de la montée des tensions dans nombre de pays producteurs clés. La troisième tient à la prise de conscience progressive de l'épuisement des ressources pétrolières aisément accessibles à l'horizon d'une trentaine d'années.
Jusqu'ici, plusieurs antidotes ont permis de limiter les conséquences du nouveau choc pétrolier sur l'économie mondiale. Côté offre, la mondialisation, le renforcement de la concurrence, l'intensité des gains de productivité, le désendettement des entreprises ont freiné les hausses de prix. Côté demande, les programmes de baisse d'impôts aux Etats-Unis, le boom de l'immobilier, l'endettement massif des ménages ont soutenu la consommation dans les pays développés.
Force est cependant de constater qu'en 2006 les risques de dérapage du marché pétrolier s'exacerbent, alors que les forces qui l'ont contenu en 2004 et 2005 s'affaiblissent. L'exceptionnel cycle de croissance mondiale qui prévaut depuis 1990 repose ultimement sur le consommateur américain, qui se trouve confronté à l'arrêt des baisses d'impôts, du retournement du marché de l'immobilier et à la montée des taux d'intérêt. D'un autre côté, la mondialisation se heurte aux pressions protectionnistes, tandis que le plein-emploi dans la plupart des pays développés et la fin de la déflation japonaise ouvrent un espace à une hausse des salaires et des prix. Ce qui pourrait conduire à une accélération de la hausse des taux d'intérêt pesant lourdement sur les ménages et les Etats les plus endettés. La hausse du prix du pétrole entraîne une dégradation supplémentaire du déficit commercial record des Etats-Unis, ouvrant la possibilité d'une chute brutale du dollar. Sans compter que l'impuissance de la diplomatie accroît la probabilité d'une option militaire dans la crise ouverte par les ambitions nucléaires de l'Iran, pays pétrolier clé.
En fond de tableau, l'activisme des grands pays producteurs et des puissances émergentes du Sud s'oppose à la passivité des démocraties développées. La Bolivie nationalise ses hydrocarbures. La Russie ne se contente plus de livrer (20 % de la production de gaz et 28 % des importations européennes) mais veut se diversifier dans l'électricité et la distribution de gaz en Europe. Les monarchies du Golfe s'efforcent d'investir sur place et de développer leur secteur privé avec les quelque 300 milliards de recettes pétrolières annuelles. Les puissances émergentes du Sud - Chine en tête - se lancent dans une course de vitesse pour la sécurisation des sources d'approvisionnement. A l'inverse, le chacun pour soi tient lieu de stratégie pour les grands pays consommateurs du Nord, qui rivalisent d'impuissance et de légèreté au sein du G7 comme de l'Union européenne.
Cinq conclusions émergent:
1. Le cycle long amorcé dans les années 80, caractérisé par la baisse conjointe de l'inflation, des taux d'intérêt, du prix de l'énergie et des matières premières, est clos.
2. La mondialisation, le chaos géopolitique, la perspective de l'épuisement des réserves provoquent un double choc de demande et d'offre qui pousse à une hausse durable des prix du pétrole.
3. L'excellente résistance de la croissance au choc pétrolier en 2004 et 2005 ne doit pas occulter les risques de ralentissement, voire de récession mondiale.
4. Parallèlement à son impact économique, l'énergie représente un enjeu stratégique vital, évalué à sa juste importance par les pays producteurs et les superpuissances émergentes du Sud, mais sous-estimé par les démocraties développées.
5. Au lieu d'ignorer la nouvelle donne énergétique et de privilégier des approches strictement nationales mêlant le protectionnisme et la recherche d'accords spécifiques avec les producteurs, à l'image de l'Allemagne avec la Russie, les pays consommateurs du Nord et les Européens en particulier devraient instaurer une concertation étroite et ne pas retarder davantage les changements majeurs qu'implique la nouvelle donne énergétique en termes de capacités de production alternatives - notamment nucléaires -, de comportement des consommateurs et d'amélioration de l'efficacité énergétique.
Source: Le point